Eleveuse dans le Cantal, Pauline Garcia déploie une énergie communicative dans ses multiples activités. Passionnée de cheval, c’est aux bovins qu’elle consacre depuis quelques années beaucoup de son attention de comportementaliste animalier. L’étude du comportement des animaux consiste t’elle à améliorer le quotidien des animaux ? A écouter Pauline, pas seulement.

VoxDemeter : Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton métier ?

« Je me vois comme un trait d’union entre la science et le terrain »

Je vulgarise une démarche et des outils scientifiques, adaptés à l’élevage bovin. J’adapte des protocoles scientifiques aux questions que se posent les éleveuses et les éleveurs et que je me suis posée aussi, en tant qu’éleveuse ! J’ai la chance de pouvoir tester grandeur nature avec mes Salers et mes Aubrac les différentes solutions que je propose dans mes formations. Je les ajuste aux contraintes du territoire et bien évidemment, au contexte spécifique de chaque élevage. Je me vois comme un trait d’union entre la science et le terrain.

VoxDemeter : Qu’apporte ton travail en matière de bien-être animal ?

Une relation Homme-Animal saine et valorisante, c’est du 50/50

J’aime bien dire que j’apporte une harmonisation relationnelle entre l’humain et l’animal sur la ferme. Par exemple, si l’animal est peureux, fuyant, voire dangereux, la relation n’est pas fluide et ne fonctionne pas bien. Pour moi, elle n’est pas efficace. Une relation saine et valorisante, c’est du 50/50. 50% est réalisé par l’animal, 50 % par l’humain. D’un côté, l’animal doit accepter de se laisser approcher, caresser et soigner. De l’autre, l’éleveuse ou l’éleveur, qui donne de son temps à l’animal en se concentrant sur l’animal. C’est pour cela que je parle d’agriculture de pleine conscience.

VoxDemeter : Qu’est-ce que tu entends exactement par « agriculture de pleine conscience » ?

La pleine conscience, c’est prendre le temps. Le temps de regarder ton animal comme tes végétaux. En les regardant, on est alors capable de prendre conscience du stress de l’animal comme de celui des plantes et d’adapter son comportement pour prendre les bonnes décisions.

Tu veux dire qu’il faut être dans le temps présent et ne pas penser à tout ce que l’on à faire dans la journée, à ses emprunts, etc. ?

« Porter plus d’attention à ce que l’on fait, ralentir ses gestes, oui, cela contribue à abaisser le stress de l’animal en face de toi. Et c’est pareil pour les plantes : « ton » regard est primordial, la robotisation ne remplace pas l’éducation par le regard ! »

VoxDemeter : Quels bénéfices peut-on attendre d’une relation harmonieuse entre Homme et Animal ?

L’Homme et l’Animal forment un duo interdépendant l’un de l’autre. Comme l’ont démontré de nombreuses études[1], un Eleveur énervé ou pressé (comportement dit instable) aura tendance à déstabiliser les animaux. Ce qu’un stagiaire lui confirme pendant l’une de ses formations. « J’ai pris conscience que mon stress avait une influence négative sur mes vaches. Celles-ci déchargeaient systématiquement pendant la traite (bouses de stress), notamment dès que j’élevais la voix… ».

L’animal n’est pas seulement en interaction avec l’Eleveur, c’est aussi un individu doté de mémoire et cela change tout ! « Tu n’as pas en face de toi un individu amnésique ! » ajoute Pauline. « On peut faire un parallèle avec une visite chez le dentiste, ajoute Pauline. « Si lors de ta précédente visite chez le dentiste tu as eu mal, tu y retournes en trainant les pieds… C’est pareil pour l’animal : si sa précédente contention s’est mal passée, il y va ensuite à reculons ».

Pour retirer pleinement les bénéfices de ce duo – amélioration de la productivité, facilitation des soins et docilité des animaux, baisse de stress de l’Eleveur – cette relation doit aussi s’installer dans le temps.

[1] Par exemple, celle menée par Xavier Boivin (éthologue) et Luc Mounier (vétérinaire) sur « le comportement du taureau en lien avec le profil du soigneur ».

VoxDemeter : Comment ces nouvelles méthodes en élevage sont-elles perçues ?

Les éleveuses et les éleveurs se posent de plus en plus de questions sur le bien-être animal et sur le retour sur investissement des méthodes en vigueur jusqu’ici. Je le constate tous les jours dans ma communauté. Si j’ai déjà formé et sensibilisé à ces nouvelles méthodes plus de 6 000 personnes depuis 2014, l’adoption de ces pratiques reste progressive. Difficile parfois de lutter contre le copié-collé des pratiques classiques ! Et cela se confirme en formation agricole initiale. Celle-ci privilégie l’acquisition technique, ce que regrette Pauline. « Rien n’est dit ou presque sur le ressenti des animaux. Le passage du licol, par exemple, est stressant. On a parfois l’impression que dans la tête des lycéens d’aujourd’hui, c’est encore et toujours l’animal qui se plie », ajoute-t-elle.

VoxDemeter : Merci beaucoup Pauline d’avoir partagé avec nous ton expérience d’éleveuse et de comportementaliste animalier. On sent que ça bouge dans les élevages pour une meilleure harmonie entre l’Homme et l’Animal, mais que le chemin est encore long…

Crédit Photo : Eric Senmartin Légende Photo : Formation Bovins Etho-Diversité Pauline GARCIA Atelier pratique “Abord en liberté du bovin – Relation Homme/Animal