Fabienne Cottret et Anne Marquant, co-fondatrices de Paroles en Agriculture, coaniment le nouveau parcours “Terre d’entrepreneur.e.s”, dédié aux entrepreneuses et entrepreneurs de l’agriculture, mais aussi à tous leurs proches et les salariés du monde agricole.

???? Retrouvez notre article sur le parcours “Terre d’entrepreneur.e.s”

VD : Existe t-il, selon vous, des points communs et des disparités entre les entrepreneurs et les entrepreneuses des autres secteurs et l’agriculture ?

Anne Marquant : « Le premier point commun que je constate chez tous les dirigeants, c’est qu’ils répondent à la même injonction : je dois être fort, c’est moi qui porte, je n’ai pas le droit d’être triste, fatigué, en colère, etc. C’est un peu plus accentué chez les hommes. Quant aux femmes, c’est la charge mentale, liée à la famille et au domicile, qui a beaucoup d’impact sur leur vie.

Le deuxième, c’est le mélange vie pro/vie de famille. Dans la vie d’un entrepreneur, c’est un questionnement récurrent. Celui-ci est sans doute plus présent en agriculture, du fait de l’activité physique et de la proximité des lieux de travail et du lien à la famille aussi, qui peuvent plus facilement influer sur l’équilibre entre les espaces de travail et la sphère personnelle.

Le troisième tient à la transmission, spécifique aux entreprises familiales. La reprise familiale s’accompagne bien souvent en filigrane d’une anxiété sur le droit à faire différemment que les générations précédentes. Cette permission est particulièrement forte en agriculture : est-ce que j’ai le droit de faire évoluer le projet que mes grands-parents, mes parents ont mis tant d’années à construire ?

De plus, en agriculture, vient s’ajouter une question complexe sur les choix de modèle cultural qui font l’objet de guerres autour des modes de production, conventionnelle ou non. Il y a ainsi souvent le poids du regard de l’autre, soit pour se moquer, soit pour critiquer…”

Fabienne Cottret : « On peut dire que les codes en agriculture pèsent beaucoup sur les épaules de l’entrepreneur et de l’entrepreneuse. Par codes j’entends non seulement le lien avec l’histoire familiale, direct ou induit, mais aussi avec la terre elle-même : le territoire et les sols de l’exploitation, tout comme le lieu d’habitation et les modes de production, choisis par les aînés.”

Par ailleurs, tout agriculteur et toute agricultrice s’inscrit dans un système avec un mode de fonctionnement où sa capacité d’action personnelle et son autonomie décisionnelle ne sont pas toujours facilitées, ce qui peut être source de tensions supplémentaires. »

En conclusion, lorsque l’on est entrepreneure ou entrepreneur, faire attention à soi n’est pas une option…”Entreprendre n’est pas seulement une question d’avancer ou d’être focus sur son projet… Si on ne s’écoute pas, cela ne cela ne marche pas bien…” ajoute Fabienne Cottret.