Parmi toutes les VoxDemeter que j’ai rencontrées depuis plus de 25 ans, j’ai choisi Lucie Mainard pour la première newsletter de VoxDemeter. Avec son énergie et ses multiples activités, Lucie répond parfaitement aux valeurs de VoxDemeter : Engagement – Changement – Mixité et Egalité – Partage et Courage.

Lucie a plusieurs vies et toutes, très remplies ! Vous la connaissez peut-être sous son pseudo flamboyant sur twitter et instagram @les jolies rousses, en référence à ces poules bio. J’aime énormément son enthousiasme discret de femme, de maman, d’agricultrice et son ouverture sur le monde, tout en étant très attentive aux autres. Et puis, j’apprécie son naturel lorsqu’elle affirme, par exemple : j’ai horreur du mot “exploitation”… je n’exploite rien ! Sa ferme, pour moitié en conversion en agriculture biologique, l’autre en agriculture conventionnelle, se trouve en Vendée où elle s’est installée, un peu par hasard, avec son mari en 2019. « Je n’ai jamais rêvé de m’installer en agriculture ! Ça m’est tombé dessus » reconnaît-elle. Pourtant, cette nouvelle orientation professionnelle, stimule encore plus le dynamisme de la jeune femme de 34 ans, mère de deux enfants en bas âge. Son riche parcours et sa vitalité ne passent pas inaperçus au sein du Conseil d’administration de sa coopérative qui la sollicite. Ainsi, depuis deux ans, la Cavac compte une troisième administratrice, Lucie.

Résolue à apporter une contribution qui lui ressemble, Lucie vient de se lancer un nouveau défi, qui a pour nom « Les Bottées », le groupe qui vit la Cavac au féminin ! Né officiellement le 30 juin dernier, celui-ci répond à trois enjeux : dans un premier temps, créer un espace d’échanges entre adhérentes de la coop, souvent isolées sur leur ferme et réduire les distances entre elles et la coop ; dans un second temps, pourquoi pas, susciter leur envie de s’engager dans la vie coopérative. En effet, selon l’Observatoire de la gouvernance des coopératives agricoles, seulement 9,7 % d’agricultrices siègent dans un conseil d’administration de coopérative. Un enjeu primordial pour ces dernières dont les effectifs, principalement masculins, vont naturellement fondre avec le départ à la retraite des agriculteurs du baby-boom, nés entre 1945 et 1965. Avec trois administratrices, la coopérative vendéenne fait figure de « bonne élève, qui peut mieux faire » !

Si à titre personnel, Lucie reconnaît ne pas avoir rencontré de difficultés à devenir administratrice de la coop, un an après son installation en tant qu’agricultrice, la féminisation des instances agricoles ne va pas de soi. D’abord, il faut des fauteuils libres ! Ainsi, le mari de Lucie a-t-il été d’accord pour céder sa place de délégué de section afin que puisse être intégrée… la nouvelle administratrice ! Par ailleurs, il semble essentiel d’avoir une vision à long terme pour créer des synergies durables entre les adhérentes tout en embarquant l’ensemble des adhérents de la coop. Mais, plus que tout, c’est la politique volontariste de la gouvernance qui joue un rôle déterminant. « Je dispose des moyens que je veux et ça, c’est top », s’enthousiasme Lucie, très reconnaissante envers le bureau de la coop et en particulier, son Président, Jérôme Calleau.

Une vingtaine d’agricultrices (voir photo ci-dessous) se sont ainsi retrouvées avec l’envie de faire un bout de chemin ensemble avec Les Bottées.

VD : Quel a été l’élément déclencheur de la création des Bottées ?

Le projet a mûri dans ma tête sous la conjonction de plusieurs facteurs et soutiens, mais le petit coup de pouce, c’est le Trophée Joséphine que l’on m’a remis au printemps 2022. Ce Prix récompense les Femmes Inspirantes des Pays de Loire. J’ai été lauréate dans la catégorie Economie et là, j’ai eu comme un déclic : il fallait que ce prix donne naissance à une action concrète !

VD : Qu’est-ce qui te semblait important pour cette première rencontre des Bottées ?

Pour moi, ce qui était important, c’est que tout le monde s’y retrouve. D’abord, nous avons pris le temps de nous connaître et d’exprimer nos différents besoins pour ce groupe. Chacune a pu indiquer ses attentes : sortir de l’isolement, apprendre à mieux communiquer avec ses associés et ses interlocuteurs masculins ; montrer ses compétences, … Des besoins variés, graves ou plus légers, qui appellent des approches différentes.

Par ailleurs, nous avons eu la chance d’accueillir Lydie Bernard, troisième Vice-présidente du Conseil régional des Pays de Loire, ancienne sportive de haut niveau en basket, qui nous a rappelé qu’un groupe doit être vu comme une équipe. Celle-ci se prépare pour jouer un match, dans lequel, non seulement chacune doit trouver sa place, mais il est indispensable de se donner les moyens pour y arriver.

Et puis, cette première réunion me donne le sentiment qu’on va réussir ! On est toutes différentes et semblables à la fois ! Tous les territoires sont représentés, tout comme les productions, les parcours, les choix agronomiques : de la future installée à celle qui part à la retraite et qui accompagne un jeune couple en passant par deux agricultrices, installées avec leur mari et trois autres en conversion bio. Certaines ont suivi un parcours initial, d’autres non…

VD : Qu’est-ce qui t’a le plus interpelée ?

Peut-être parce que je n’ai pas connu cela, j’ai été beaucoup touchée par la quête d’échanges pour sortir de l’isolement. Je ne pensais pas que cela allait autant ressortir. On croûle tellement sous les tâches de notre quotidien que l’on ne se rend pas toujours compte combien on peut se sentir isolée quand on est une femme dans nos métiers.

VD : Comment vois-tu les choses pour Les Bottées ?

Je prévois quatre réunions par an avec un objectif pour l’année qui peut évoluer. Il est important au sein Des Bottées de pouvoir nous fixer des objectifs collectifs, mais également individuels.

Pour la prochaine réunion en octobre, nous irons au siège de la Cavac à la Roche-sur-Yon, que la plupart ne connaissent pas. Nous y serons reçues par le Président et des administrateurs. Pour moi, c’est important, car, bien souvent on adhère sans bien savoir qui fait quoi.

Focus sur Les Elles de la COOP

Elles sont quelques-unes à vouloir faire bouger les lignes dans les instances agricoles. C’est le cas de Monique Penon, avec Les Elles de la COOP, le Club des Administratrices. Première administratrice de Terre Atlantique en 2014, cette pionnière de la féminisation des instances agricoles, déploie son énergie à ce projet. Comme l’a démontré le webinaire, organisé pendant la semaine de la Coopération en juin 2022, le train du changement est en marche. Nous nous en réjouissons ! On en reparle prochainement…